L'Etalon VOLTAIRE du Baulois
A
la base, pourquoi ce choix d’Etalon ?
Pour
leur complémentarité. Tous étaient de très grands chiens de travail, pas la
moindre faille à l’horizon. De ce fait, tu devais connaître l’ensemble de leurs
aptitudes, ce qui signifient également une étude hors du Ring. C’est-à-dire
comment ils évoluaient dans la vie de tous les jours et comment sont-ils sur un
autre programme ? Dès le début des années 80, des rencontres internationales
ont vu le jour à Tournai, ce fut une révolution !
Une
révolution certes, mais comment évaluer les différentes aptitudes ?
Je ne parlerais pas au
nom de mes collègues, mais je peux expliquer mes raisonnements. D’abord en ce
qui concerne mes choix, ce fut un coup de cœur, j’ai immédiatement adoré les
Malinois que j’ai employé. Après en termes plus techniques : en ce qui
concerne Rep ou Ultra, c’était plutôt simple, car ils sont à la base du
Mondioring et pour travailler sur les deux disciplines, il faut de nombreuses
aptitudes. Itusk, Ivan, Voltaire ou Badge ont une génétique très Belge dans
l’esprit, ce qui nous apporte un confort face à l’artifice ou sur des exercices
en muselière. Cuik avait déjà relevé une multitude d’attaques aussi bien Belges
qu’Hollandaises. En clair avec un minimum de connaissance conjugué d’une bonne
lecture généalogique, nous pouvions définir certains codes. Ensuite, comment
étaient-ils dans la vie et là ; c’est ce que je t’expliquais tout à l’heure… tu
as deux castes : certains étaient sympas et d’autres non (rires) ! C’était à
toi de trouver la bonne formule.
L'Etalon Rep de La Fontaine du Buis.
Et
vous l’avez trouvé ?
Oui, je peux dire que
oui. Ultra était très tonique, excellent caractère et sympa dans la vie, il m’a
apporté beaucoup de stabilité, car Ultra (à l’instar de Rep, de Cuik ou de
Robin) était agréable. Badge dans la vie… ne rigolait pas des masses, c’était
un pur caractère. Quant à Itusk à par son Maître peu ont réussi à le caresser.
Que voulez-vous, c’étaient les Malinois d’une époque… tu voyais Voltaire ou
Ivan et tu n’avais pas envie de leur faire des papouilles. Un caractère
difficile n’empêche en rien l’équilibre, les gens n’ont rien compris.
Par
exemple ?
Tu prenais Rep, c’était
un Malinois d’une stabilité incroyable et super sympa avec tout le monde.
Lorsqu’il faisait chaud en été, ma fille aimait dormir dehors l’après-midi.
Elle était petite à l’époque et sous ma surveillance, elle étendait une
couverture sur l’herbe et elle faisait la sieste. Rep l’accompagnait et
personne d’inconnu ne pouvait l’approcher. D’ailleurs… il était sympa, mais si
tu ne t’appelais pas Alain, tu ne lui mettais pas une tape sur la tête et si tu
voulais le commander, il te recadrait direct ! De même Badge qui n’était pas
commode dans la vie, ne m’a jamais montré une once d’agressivité. S’il venait te
voir « tu répondais salut Badgeou, une caresse brève et surtout pas plus haut
que le bord (éclat de rires) », s’il ne venait pas te voir et bien… il valait
mieux le laisser tranquille. Lorsque tu as une pléiade de caractères aussi
diversifiés, c’est à toi de travailler judicieusement.
Ma Fille Emilie & Rep de la Fontaine du Buis.
Lequel
t’as demandé le plus de réflexion ?
Aucun, car je les
connaissais. J’ai pu emboiter mes briques consciencieusement. Je savais que
Voltaire était un atypique, ça génétique paternelle n’était pas propice aux
sauts, mais « lui » sautait bien. Cependant, j’ai toujours fait en sorte de lui
amener des femelles kangourous et je n’ai pas eu de soucis à ce niveau. Pour
mémoire à l’époque, nous avions des sauts avec une réelle performance et Voltaire avait toujours de très bonnes notes. Pour Itusk j’avais demandé
conseil à Eric Cavaillé qui maitrisait parfaitement ce type d’origines, il m’a
conforté dans ma réflexion et pour Ivan, je n’ai pas pris de risque je l’ai
placé immédiatement sur ma lice de base.
A
l’époque, il y’avait beaucoup d’entraide ?
On se respectait surtout
et on respectait le cheptel. Lorsque quelqu’un maitrise mieux le sujet que toi,
il faut le solliciter… sinon quel est le but de son savoir ? A titre personnel,
j’ai sollicité de nombreux éleveurs et sans Jean & Denise Gangloff, Alain
Savignat, Roland Thibaut, Eric Cavaillé, René Landais, Jean Clesse, Mario
Pessel, Gilbert Guevel et bien entendu André Noël, Léon Destailleur &
indirectement François Lelevier qui bien que n’ayant pas une vision d’éleveur,
mais de pur dresseur-compétiteur nous a toujours appris à définir les vraies
qualités d’un Malinois sur les Rings (Français comme Belge). Sans la
connaissance de toutes ces personnalités Cynophiles, je n’aurais jamais
progressé d’un iota. J’espère bien que les jeunes générations ne garderont pas
les formules gagnantes pour eux et qu’ils expliqueront leurs recherches.
Mr Jean Gangloff, bien entouré par Xavier & Jean Bruna.
C’est
vrai, qu’à cette époque « année 80, si je ne dis pas de bêtise », il y’avait de
fortes personnalités en élevage ?
C’est bien ça et je pense
sincèrement, qu’une personne souhaitant se lancer dans l’élevage de Malinois de
Travail à cette époque devait faire preuve de personnalité comme vous dites.
Déjà, le Malinois n’était pas à la mode donc, il fallait placer les petits
correctement. Ensuite, il fallait étudier les lignées, les origines, les mariages, apprendre
le règlement des programmes Européens, maitriser un minimum le dressage, etc. il te fallait
une connaissance étendue avant de prétendre élever. Sans oublier que les
éleveurs de l’époque étaient des Amateurs, c’est-à-dire Amateur dans le sens «
qui aime » et Amateur dans la façon d’élever. Le professionnalisme chez le
Malinois n’existait pas. Certains faisaient un peu plus de portées que
d’autres, mais dans l’ensemble le cheptel restait vérifiable. De plus, les
éleveurs ne gardaient pas beaucoup de chiennes « une, deux, voire trois » quand
c’était la portée du siècle, bref tu ne gagnais pas un rond à tel point que
certains éleveurs avaient une petite race en appoint, sinon c’était la clé sous
la porte.
Lorsque
vous dites « vérifiable » ?
En fait, tous nos chiots
étaient déclarés. Les portées sans papiers comme aujourd’hui « chien genre
Malinois », il y’en avaient pas ou très peu, pour la simple raison que déjà, il
n’y’avait pas de Malinois à tous les coins de rues et les Amateurs de Malinois
de travail étaient tous dans un club et donc, pour travailler… il faut des
papiers.
Il y'a quelques années à Luynes… avec Badge & Cathy des Loups Mutins.
Pourtant
dans le Malinois, les papiers ne sont pas toujours une référence ?
Je vois ce que vous
voulez dire, mais dans le Berger Belge de travail on parle d’origines, pas de
pedigree. Les grands papiers ronflants ce n’est pas pour nous, ce qui compte
c’est la traçabilité et l’efficacité. Jadis, les anciens disaient que les
Allemands faisaient des papiers et les Belges des Chiens… nous avons donc
hérité des Belges (rires).
Cependant
aujourd’hui, c’est important de connaître parfaitement un pedigree ?
Oui absolument, mais
avant aussi. L’avantage des années 80-90, c’est que nous connaissions beaucoup
de lignées types. On savait par exemple, que les Snap se mariaient très bien
sur les Mansour ou les Rep, comme Ultra d’ailleurs… on connaissait un maximum
de combinaisons qui nous permettaient d’avoir une analyse de lecture sur les
accouplements. On étudiait les travaux des autres avant de fixer, etc. bref, on
aimait savoir… tu avais des éleveurs qui tentaient des accouplements avec leur
propre étalon sur leur lignée et qui t’expliquaient ce qui avait fonctionné ou
pas. Idem lorsque tu croisais un excellent Malinois en Belgique ou en Hollande.
Tu faisais circuler immédiatement l’information.
L'Etalon Belge : Tourtel Van't Muizenbos
Si
j’ai bien compris, l’analyse se faisait sur divers facteurs ?
Une fois que tu étais
certains de l’étalon que tu voulais utiliser, c’est-à-dire une santé de fer et
un caractère en béton et bien, tu commençais le travail d’analyse sur le
terrain : dynamisme, prise, entrée, décision, vigilance, instinct,
vitesse, garde, etc. ensuite, tu discutais avec le Maître pour connaître le
chien dans la vie, où vit-il ? Est-ce que l’Ob fut difficile ? Est-ce
qu’il piste ? Comment est-il avec les congénères ? A-t-il déjà
saillie, si oui, sur quelle lignée, etc. si ton premier pressentiment concordait avec le discours du dresseur, alors ; tu partais sur des bonnes bases.
Sur
un Etalon Belge ou Hollandais, ça devait être plus difficile ?
En effet, il fallait déjà
se familiariser avec le règlement de la discipline pour comprendre ce que
recherche les éleveurs du pays en question. Ensuite, tu devais étudier ce que
donnait l’Etalon dans son propre pays. S’il n’avait pas un bon rendu chez lui
ou mitigé, pourquoi ? Ensuite, tu prenais ta décision et tu commençais la même
analyse qu’en France : dynamisme, prise, entrée, instinct, etc. mais en
général, lorsque tu vas chercher un étalon en Belgique ou en hollande, c’est
pour apporter quelque chose qui te manque en France et bien souvent il s’agit
du rapport « poids, puissance, prise en gueule ».
Beaucoup
avaient cette perception ?
En fait, tu avais 3
écoles. 1) les Franco-Français, en général il préférait travailler
« que » sur des éléments de Ring Français ou Campagne. 2) Ceux qui
cherchaient un étalon potentiel pour durcir ou conforter l’assise de leur
élevage. 3) Ceux qui rapportaient une femelle (d’un lignage certifié) pour
travailler sur leur schéma d’élevage (Etalon personnel ou Etalon utilisé à
l’élevage). Puis au fil des années, les idées ont muté.
Chez Mr Bart Bellon à Hoboken avec Zodt.
Vous
étiez tous dans le renforcement ?
Plus précisément dans la
construction. Tu avais des lignées fixées… c’est vrai, mais d’autres plus
ouvertes, c’était à toi de prendre la décision. Personnellement, j’aime
beaucoup les « demi-sang », mais chacun à sa vision propre. Du moment
où tu as un programme difficile pour justifier tes décisions, tu vas vite te
rendre compte de ton travail et malheureusement, si on t’enlève de la
performance… tu ne peux plus avoir de certitude sur ton travail.
Par
exemple ?
Avant 1991, outre le fait
qu’il te fallait un bon chien pour aller en 3, il te fallait un sauteur. Après,
nous passons de 2m50 à 2m30… puis on supprime les fossés. Un éleveur qui se
respecte n’a plus le même regard sur les aptitudes de saut, voire sur le
dynamisme ! Ensuite, on te dit qu’il te faut un chien malléable, sportif
et agréable en toute circonstance pour l’obtention du CSAU. Là encore, il te
faut revoir ta copie, enfin on te dit, dorénavant, il n’y’aura qu’une sortie de
cachette. Par contre, la seconde fuite sera dans l’escorte. Bon sang… que
fait-on du self contrôle entre les 2 ? On ne sait pas… est-ce que
l’escorte sera plus longue « oui sans doute » et même lorsqu’il
fera très chaud ? A-t-on réfléchi à tout ça pour la suite de notre
sélection ? Non, mais ce n’est pas grave, on va s’adapter même si c’est
stupide. Aujourd’hui, on nous dit « il faut faire attention avec la
recherche, surtout lorsqu’il fait chaud » et mettons un plan incliné, on
ne sait jamais… Au vu de toutes ces brillantes innovations, puis-je poser une
question : pourquoi ne laisse-t-on pas le Ring tranquille ?
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