jeudi 28 juin 2018

Le Ring : Débat Fin Mai 2018.

L'Etalon VOLTAIRE du Baulois

A la base, pourquoi ce choix d’Etalon ? 
Pour leur complémentarité. Tous étaient de très grands chiens de travail, pas la moindre faille à l’horizon. De ce fait, tu devais connaître l’ensemble de leurs aptitudes, ce qui signifient également une étude hors du Ring. C’est-à-dire comment ils évoluaient dans la vie de tous les jours et comment sont-ils sur un autre programme ? Dès le début des années 80, des rencontres internationales ont vu le jour à Tournai, ce fut une révolution ! 
Une révolution certes, mais comment évaluer les différentes aptitudes ?
Je ne parlerais pas au nom de mes collègues, mais je peux expliquer mes raisonnements. D’abord en ce qui concerne mes choix, ce fut un coup de cœur, j’ai immédiatement adoré les Malinois que j’ai employé. Après en termes plus techniques : en ce qui concerne Rep ou Ultra, c’était plutôt simple, car ils sont à la base du Mondioring et pour travailler sur les deux disciplines, il faut de nombreuses aptitudes. Itusk, Ivan, Voltaire ou Badge ont une génétique très Belge dans l’esprit, ce qui nous apporte un confort face à l’artifice ou sur des exercices en muselière. Cuik avait déjà relevé une multitude d’attaques aussi bien Belges qu’Hollandaises. En clair avec un minimum de connaissance conjugué d’une bonne lecture généalogique, nous pouvions définir certains codes. Ensuite, comment étaient-ils dans la vie et là ; c’est ce que je t’expliquais tout à l’heure… tu as deux castes : certains étaient sympas et d’autres non (rires) ! C’était à toi de trouver la bonne formule. 


L'Etalon Rep de La Fontaine du Buis.

Et vous l’avez trouvé ?
Oui, je peux dire que oui. Ultra était très tonique, excellent caractère et sympa dans la vie, il m’a apporté beaucoup de stabilité, car Ultra (à l’instar de Rep, de Cuik ou de Robin) était agréable. Badge dans la vie… ne rigolait pas des masses, c’était un pur caractère. Quant à Itusk à par son Maître peu ont réussi à le caresser. Que voulez-vous, c’étaient les Malinois d’une époque… tu voyais Voltaire ou Ivan et tu n’avais pas envie de leur faire des papouilles. Un caractère difficile n’empêche en rien l’équilibre, les gens n’ont rien compris. 
Par exemple ? 
Tu prenais Rep, c’était un Malinois d’une stabilité incroyable et super sympa avec tout le monde. Lorsqu’il faisait chaud en été, ma fille aimait dormir dehors l’après-midi. Elle était petite à l’époque et sous ma surveillance, elle étendait une couverture sur l’herbe et elle faisait la sieste. Rep l’accompagnait et personne d’inconnu ne pouvait l’approcher. D’ailleurs… il était sympa, mais si tu ne t’appelais pas Alain, tu ne lui mettais pas une tape sur la tête et si tu voulais le commander, il te recadrait direct ! De même Badge qui n’était pas commode dans la vie, ne m’a jamais montré une once d’agressivité. S’il venait te voir « tu répondais salut Badgeou, une caresse brève et surtout pas plus haut que le bord (éclat de rires) », s’il ne venait pas te voir et bien… il valait mieux le laisser tranquille. Lorsque tu as une pléiade de caractères aussi diversifiés, c’est à toi de travailler judicieusement. 


Ma Fille Emilie & Rep de la Fontaine du Buis. 

Lequel t’as demandé le plus de réflexion ? 
Aucun, car je les connaissais. J’ai pu emboiter mes briques consciencieusement. Je savais que Voltaire était un atypique, ça génétique paternelle n’était pas propice aux sauts, mais « lui » sautait bien. Cependant, j’ai toujours fait en sorte de lui amener des femelles kangourous et je n’ai pas eu de soucis à ce niveau. Pour mémoire à l’époque, nous avions des sauts avec une réelle performance et Voltaire avait toujours de très bonnes notes. Pour Itusk j’avais demandé conseil à Eric Cavaillé qui maitrisait parfaitement ce type d’origines, il m’a conforté dans ma réflexion et pour Ivan, je n’ai pas pris de risque je l’ai placé immédiatement sur ma lice de base. 
A l’époque, il y’avait beaucoup d’entraide ?
On se respectait surtout et on respectait le cheptel. Lorsque quelqu’un maitrise mieux le sujet que toi, il faut le solliciter… sinon quel est le but de son savoir ? A titre personnel, j’ai sollicité de nombreux éleveurs et sans Jean & Denise Gangloff, Alain Savignat, Roland Thibaut, Eric Cavaillé, René Landais, Jean Clesse, Mario Pessel, Gilbert Guevel et bien entendu André Noël, Léon Destailleur & indirectement François Lelevier qui bien que n’ayant pas une vision d’éleveur, mais de pur dresseur-compétiteur nous a toujours appris à définir les vraies qualités d’un Malinois sur les Rings (Français comme Belge). Sans la connaissance de toutes ces personnalités Cynophiles, je n’aurais jamais progressé d’un iota. J’espère bien que les jeunes générations ne garderont pas les formules gagnantes pour eux et qu’ils expliqueront leurs recherches.

Mr Jean Gangloff, bien entouré par Xavier & Jean Bruna. 

C’est vrai, qu’à cette époque « année 80, si je ne dis pas de bêtise », il y’avait de fortes personnalités en élevage ?
C’est bien ça et je pense sincèrement, qu’une personne souhaitant se lancer dans l’élevage de Malinois de Travail à cette époque devait faire preuve de personnalité comme vous dites. Déjà, le Malinois n’était pas à la mode donc, il fallait placer les petits correctement. Ensuite, il fallait étudier les lignées, les origines, les mariages, apprendre le règlement des programmes Européens, maitriser un minimum le dressage, etc. il te fallait une connaissance étendue avant de prétendre élever. Sans oublier que les éleveurs de l’époque étaient des Amateurs, c’est-à-dire Amateur dans le sens « qui aime » et Amateur dans la façon d’élever. Le professionnalisme chez le Malinois n’existait pas. Certains faisaient un peu plus de portées que d’autres, mais dans l’ensemble le cheptel restait vérifiable. De plus, les éleveurs ne gardaient pas beaucoup de chiennes « une, deux, voire trois » quand c’était la portée du siècle, bref tu ne gagnais pas un rond à tel point que certains éleveurs avaient une petite race en appoint, sinon c’était la clé sous la porte. 
Lorsque vous dites « vérifiable » ?
En fait, tous nos chiots étaient déclarés. Les portées sans papiers comme aujourd’hui « chien genre Malinois », il y’en avaient pas ou très peu, pour la simple raison que déjà, il n’y’avait pas de Malinois à tous les coins de rues et les Amateurs de Malinois de travail étaient tous dans un club et donc, pour travailler… il faut des papiers. 

Il y'a quelques années à Luynes… avec Badge & Cathy des Loups Mutins.

Pourtant dans le Malinois, les papiers ne sont pas toujours une référence ?
Je vois ce que vous voulez dire, mais dans le Berger Belge de travail on parle d’origines, pas de pedigree. Les grands papiers ronflants ce n’est pas pour nous, ce qui compte c’est la traçabilité et l’efficacité. Jadis, les anciens disaient que les Allemands faisaient des papiers et les Belges des Chiens… nous avons donc hérité des Belges (rires).
Cependant aujourd’hui, c’est important de connaître parfaitement un pedigree ?
Oui absolument, mais avant aussi. L’avantage des années 80-90, c’est que nous connaissions beaucoup de lignées types. On savait par exemple, que les Snap se mariaient très bien sur les Mansour ou les Rep, comme Ultra d’ailleurs… on connaissait un maximum de combinaisons qui nous permettaient d’avoir une analyse de lecture sur les accouplements. On étudiait les travaux des autres avant de fixer, etc. bref, on aimait savoir… tu avais des éleveurs qui tentaient des accouplements avec leur propre étalon sur leur lignée et qui t’expliquaient ce qui avait fonctionné ou pas. Idem lorsque tu croisais un excellent Malinois en Belgique ou en Hollande. Tu faisais circuler immédiatement l’information.     

L'Etalon Belge : Tourtel Van't Muizenbos

Si j’ai bien compris, l’analyse se faisait sur divers facteurs ?
Une fois que tu étais certains de l’étalon que tu voulais utiliser, c’est-à-dire une santé de fer et un caractère en béton et bien, tu commençais le travail d’analyse sur le terrain : dynamisme, prise, entrée, décision, vigilance, instinct, vitesse, garde, etc. ensuite, tu discutais avec le Maître pour connaître le chien dans la vie, où vit-il ? Est-ce que l’Ob fut difficile ? Est-ce qu’il piste ? Comment est-il avec les congénères ? A-t-il déjà saillie, si oui, sur quelle lignée, etc. si ton premier pressentiment concordait avec le discours du dresseur, alors ; tu partais sur des bonnes bases. 
Sur un Etalon Belge ou Hollandais, ça devait être plus difficile ?
En effet, il fallait déjà se familiariser avec le règlement de la discipline pour comprendre ce que recherche les éleveurs du pays en question. Ensuite, tu devais étudier ce que donnait l’Etalon dans son propre pays. S’il n’avait pas un bon rendu chez lui ou mitigé, pourquoi ? Ensuite, tu prenais ta décision et tu commençais la même analyse qu’en France : dynamisme, prise, entrée, instinct, etc. mais en général, lorsque tu vas chercher un étalon en Belgique ou en hollande, c’est pour apporter quelque chose qui te manque en France et bien souvent il s’agit du rapport « poids, puissance, prise en gueule ».
Beaucoup avaient cette perception ?
En fait, tu avais 3 écoles. 1) les Franco-Français, en général il préférait travailler « que » sur des éléments de Ring Français ou Campagne. 2) Ceux qui cherchaient un étalon potentiel pour durcir ou conforter l’assise de leur élevage. 3) Ceux qui rapportaient une femelle (d’un lignage certifié) pour travailler sur leur schéma d’élevage (Etalon personnel ou Etalon utilisé à l’élevage). Puis au fil des années, les idées ont muté. 

Chez Mr Bart Bellon à Hoboken avec Zodt. 
Vous étiez tous dans le renforcement ?
Plus précisément dans la construction. Tu avais des lignées fixées… c’est vrai, mais d’autres plus ouvertes, c’était à toi de prendre la décision. Personnellement, j’aime beaucoup les « demi-sang », mais chacun à sa vision propre. Du moment où tu as un programme difficile pour justifier tes décisions, tu vas vite te rendre compte de ton travail et malheureusement, si on t’enlève de la performance… tu ne peux plus avoir de certitude sur ton travail. 
Par exemple ?
Avant 1991, outre le fait qu’il te fallait un bon chien pour aller en 3, il te fallait un sauteur. Après, nous passons de 2m50 à 2m30… puis on supprime les fossés. Un éleveur qui se respecte n’a plus le même regard sur les aptitudes de saut, voire sur le dynamisme ! Ensuite, on te dit qu’il te faut un chien malléable, sportif et agréable en toute circonstance pour l’obtention du CSAU. Là encore, il te faut revoir ta copie, enfin on te dit, dorénavant, il n’y’aura qu’une sortie de cachette. Par contre, la seconde fuite sera dans l’escorte. Bon sang… que fait-on du self contrôle entre les 2 ? On ne sait pas… est-ce que l’escorte sera plus longue « oui sans doute » et même lorsqu’il fera très chaud ? A-t-on réfléchi à tout ça pour la suite de notre sélection ? Non, mais ce n’est pas grave, on va s’adapter même si c’est stupide. Aujourd’hui, on nous dit « il faut faire attention avec la recherche, surtout lorsqu’il fait chaud » et mettons un plan incliné, on ne sait jamais… Au vu de toutes ces brillantes innovations, puis-je poser une question : pourquoi ne laisse-t-on pas le Ring tranquille ?   

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