Mrs R.Landais, G.Guevel & Cuik du Clos St Michel.
Vous
pensez que cette sélection a décliné et pourquoi ?
La sélection s’articule
sur divers systèmes. Déjà, la sélection contemporaine ne peut être analysée que
grâce à la sélection effectuée avant. Nous, c’est-à-dire les éleveurs qui
aujourd’hui touchent les 60 ans ont profité de la sélection de nos ainés, c’est
ainsi… cependant, nos ainés ont extrêmement bien travaillé. Ils nous ont livré
un programme en relation avec le cheptel, de plus, ils nous ont expliqué
comment procéder. L’articulation de l’élevage du Berger Belge et surtout du
Malinois s’est faite par la Belgique, la Hollande et la France, car là encore,
il y’avait des groupes. Il s’agissait de définir les lignées, de les comprendre
et de les traduire. C’est ce que j’explique dans le texte, il n’était pas
question d’aller chercher un chien Belge ou Hollandais sous prétexte de… mais
bien d’aller chercher des aptitudes manquantes chez nous et même encore aujourd’hui,
il est capital de poursuivre cet effort d’où l’intérêt de connaitre et de
maitriser d’autres programmes.
Lorsque
vous parlez de qualités globales, vous pouvez être plus précis ?
Outre les qualités de
travail : vous en avez d’autres ! Pour les définir, vous devez savoir
comment le chien évolue en dehors du Ring. Pour faire simple, je vais prendre à
témoin les grandes lignes de la sélection contemporaine : Combien
d’éleveurs savent comment le chien est dans la vie, où il dort, ce qu’il mange,
s’il garde la maison, s’il rentre dans l’eau en plein hiver, etc ? Aujourd’hui, c’est le Ring et son pointage
qui oriente l’élevage, avant non… c’était les bons chiens qui orientaient
l’élevage. Malheureusement, les choses changent, mais si nous voulons des
chiens capables de bosser par tous les temps, monter et descendre la palissade,
frapper, tourner, intervenir et tout ça en un éclair, il faut sélectionner les
chiens capables de le faire. Il faut vraiment se remettre en question sur la
rusticité et sur les méthodes de dressages, car les deux sont liées. Un
pointage n’a jamais fait un bon chien, c’est le bon chien qui fait le pointage,
pas l’inverse.
De Cercle en… Cible !
En
parlant de pointage, les championnats Régionaux qu’en pensez-vous ?
Le championnat régional
doit rester obligatoire et l’excuse de mon chien a une blessure, la chienne a
eu des petits etc. ne doit pas entrer dans le cursus. Un championnat régional ;
c’est très important et tu te dois d’y participer. J’entends beaucoup de monde
parler de sport, mais vous croyez que dans le sport ça se passe comme ça ? Vous
pensez sérieusement que si vous vous blessez pour une compétition, ils vont
reporter l’épreuve pour vous faire plaisir ? Mieux, vous donner un passe-droit
pour continuer votre ascension ? Si le sport que vous pratiquez, vous oblige à
participer aux diverses compétitions et bien ; il faut les faire et arrêter de
se chercher des excuses. Cependant et en ce qui me concerne, je souhaiterais que ce
championnat soit organisé sur terrain neutre (le stade municipal par exemple)
et avec deux H-A extérieur à la régionale. De cette façon, nous serions dans un
vrai championnat, pas chez quelqu’un qui connaît le terrain ou les H-A et qui a
donc… un avantage. En clair, conserver l’esprit des sélectifs : 2 juges, 2
H-A aussi bons qu’impartiaux et 2 remplaçants dans le cas où l’un se blesserait
ou ne serait pas au niveau. Le vainqueur ne ferait peut-être pas 390, mais il aurait
le suprême honneur d’être le champion de sa région.
OK,
mais ça risque de poser des problèmes pour les femelles de haut niveau ?
Pourquoi ça poserait un
problème ? L’année où tu décides de faire reproduire ta chienne, tu ne vas pas
lui mettre un entrainement intensif quand même ? Je vous rappelle qu’elle va
avoir une portée à élever et que ça va lui bouffer énormément d’énergie. Une
Lice de haut niveau se prépare comme un Etalon, de ce fait, il faut choisir…
soit, elle a une portée et ton année est centrée là-dessus. Soit, tu lui
consacres l’année à la compétition. Le problème aujourd’hui, c’est que les gens
veulent tout, « des chiots, une finale, ne pas faire les championnats »,
jusqu’où allons-nous aller pour que tout le monde soit content ? Il y’a un
règlement, la discipline est ainsi faite, on ne t’oblige pas à jouer, mais si
tu joues ce n’est pas la discipline qui se plie à toi… c’est le contraire.
Mr Colombani & Pia de la Noaillerie.
Dernière
thème : le BEA est aujourd’hui partout ?
Je ne sais pas ce qu’est
le BEA, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’a dit « bonjour, je fais partie
de cette association ou de ce mouvement ». J’entends tout et son contraire sur
le sujet, mais surtout… je n’en comprends pas son fonctionnement, pourquoi ?
Parce que le BEA est en nous tous, il n’appartient pas une poignée de penseurs,
je vais vous donner un exemple : lors d’une finale, à 14h30, il faisait très
très chaud, qu’est-ce qui a empêché le jury de proclamer au micro « nous
faisons une pause et nous reprendrons, une fois la température revenue à une
situation plus raisonnable ». Pourquoi attendre un problème ? Voilà c’est très
simple.
D’accord,
mais ça change l’organisation ?
Ah voilà… ça chamboule
l’organisation. C’est-à-dire qu’en 2018, au 21ème siècle, il n’y’a personne qui
serait capable d’anticiper un problème ? Dans le cas où il y’aurait un violent
orage, nous faisons quoi ? Nous continuons quitte à se faire foudroyer ?
Allons, un peu de bon sens quand même ! Il nous faut donc, absolument une loi
ou un additif ? Nous ne sommes pas suffisamment malins pour penser par
nous-même et faire ce qu’il faut quand il le faut ? C’est triste… mais vous
savez, le bien être n’est pas que lié à l’environnement, le bien être est
surtout et avant tout de respecter la nature du chien. Exemple : est-ce qu’un
chien de chasse qui ne chasse jamais, c’est respecter son bien-être ? Un chien
de traineau vautré sur un canapé dans un appartement ? Un Greyhound bridé sur
un balcon ? Un Malinois attendant son Maître pendant de longues journées en
échange d’une promenade de temps en temps ? Vous voulez que l’on développe le
bien-être du chien ? OK, alors : le bien-être commence par la connaissance du
chien, puis par ses besoins et enfin par l’aménagement de sa vie. Dans le cas
d’un Berger Belge, sa nature le pousse à travailler « utilisation ou
compétition ». Ses besoins : nous orientent sur son épanouissement et
l’aménagement de sa vie sur une préparation physique et éducative. Le bien-être
de votre chien commence donc ; par la compréhension de sa race et de ses
origines, car si vous respectez sa vraie nature, il sera heureux dans sa vie et
dans la vôtre !
Rien
de compliqué en sommes (rires) ?
Non juste du bon sens.
Les problèmes surviennent lorsque le chien n’est pas étudié et orienté dans sa
fonction. Nous avons des sélections précises depuis des lustres, pourquoi
vouloir travailler à rebours ? Dans le cas où des experts de la SCC seraient
intéressés pour améliorer la vie de nos chiens de travail, qu’ils commencent à
prendre des mesures sur les saillies sauvages et sur des producteurs qui «
boursouflés d’incultures » bousillent 100 ans de sélection, là ils seront dans
quelques choses de concret, car placer un plan incliné derrière la palissade va
juste nous permettre de régresser encore plus et vu le nombre de saillies «
avec ou sans papier » cataloguées Berger Belge… nous venons de dépasser le
seuil du raisonnable.
Le Bois de la Deule.
C’est
vrai que chez vous, il y’a de plus en plus de naissances ?
Le problème numéro 1,
n’est pas le nombre de saillies pensées, travaillées ou homologuées, mais les
saillies faites à l’arrache avec le Malinois du copain et le corniaud de la
copine. La nous touchons des sommets, les chiots sont bradés illico, où
vont-ils, qui s’en occupe ? Mystère… et après, on apprend que « un berger de
genre Malinois a mordu son propriétaire etc. ». Alors en 1, s’agit-il d’un vrai
Malinois ? En 2, d’où vient-il ? Je pense que la première de toutes les
missions de la SCC, des Clubs de race, du BEA, etc. serait de s’associer pour
trouver une solution qui permettrait de régler une fois pour toutes les
saillies sauvages ou lucrativement aléatoires. Là encore, il faut être logique,
si nous avons autant de naissances avec des papiers, nous en avons combien sans
?
Effectivement,
c’est un problème ?
Un gros problème et pour
ça, il nous faut une législation fiable. Nous avons l’impression de colmater
une brèche d’un côté et de tirer un nouveau fil de l’autre. Je pense
sincèrement que certaines mesures ne sont pas justes par rapport à d’autres,
comme : que pouvons-nous faire pour la santé de nos compétiteurs par
exemple ? La santé, ça c’est du concret non ? Aujourd’hui, un
Malinois sans la moindre radio peut reproduire, est-ce une bonne chose ?
Ne faudrait-il pas en 1) confirmer un chien(ne) grâce à son type, en 2) homologuer
sa confirmation par un pedigree, puis en 3) demander les radios pour
l’autoriser à saillir ? Allons-nous attendre d’être envahie par la
dysplasie pour prendre des mesures ? Croyez-moi ce genre de préoccupation
est plus urgente que de mettre un plan incliné à la palissade ou de scinder le parcours
un jour de forte chaleur.
Vous avez dit Rustique ? Xjelaba dit DUC !
La
santé, comme la rusticité reviennent souvent dans vos textes ?
Parce qu’elles sont
liées. La bonne santé d’un compétiteur dépend de sa rusticité, ça fait des
années que je m’époumone à le crier sur tous les toits. Alors, dans l’idée de
conserver des chiens de travail dans le vieil esprit, c’est-à-dire des chiens
directs, fonctionnels et résistants. Il faut supprimer cet aspect sophistiqué,
chien à son papa et surtout d’éviter les sélections que sur un et un seul
programme. Nous avons une pluralité de lecture, profitons-en bon sang…
La
sélection doit invariablement passer par de nombreuses disciplines ?
Au départ, la sélection
peut se fixer sur un programme en particulier, mais vous ne pouvez pas que
sélectionner sur un unique programme. Alors quand je dis fixer, j’entends par
là que le plus gros de votre travail d’élevage sera issu de votre programme de
prédilection, mais des touches « d’apport » seront nécessaires. Dans
le cas inverse, vous allez stéréotyper et vous ne sélectionnerez qu’une base,
pas l’ensemble des aptitudes.
Par
exemple ?
Il faudrait tout un
article pour l’expliquer. Déjà, il faut bien accorder les termes, donner les
bonnes définitions et proposer un pointage juste, c’est-à-dire proportionnel à
l’effort. Bref… il faut tout analyser. Alors pour faire court, prenons un
exercice simple « le rapport d’objet lancé ». Qu’en est-il réellement
en France ? Si vous lisez la traduction de l’exercice, il s’agit d’un
rapport d’objet lancé. Ensuite, vous analysez l’exercice sur le terrain et ô
surprise, il ne s’agit plus « d’un rapport d’objet » lancé, mais de
celui du conducteur. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un rapport d’objet
varié, mais du rapport de « ton » objet (la fameuse paire de
chaussettes ou les gants). A cet instant, ton analyse de sélection va
obligatoirement te remettre en question, car que se passerait-il, si l’on
proposait un objet autre (un arrosoir, un bidon, un pneu, etc.) que le tien à
ton chien ? Lorsque l’on sait que le rapport d’objet fait partie des
fondamentaux de sélection, c’est une bonne question non ? A l’inverse, il
ne se pose pas cette question en Belgique, puisque le rapport d’objet change
systématiquement à chaque concours. Du coup, entre un chien qui te rapporte ton
objet et un chien qui te rapporte n’importe quel objet, il y’a une différence.
Vous voyez… il faut tout regarder attentivement, bien analyser tout ça et si
possible connaitre le chien dans la vie, car en dehors du Ring… le conducteur a
essayé de lui faire rapporter des tas de trucs et c’est bien de définir la
vraie nature d’un futur étalon.
Mr Gilbert Guevel & Cuik du Clos St Michel.
En
effet, je n’avais jamais vu ça sous cet angle et ceci est valable pour d’autres
exercices ?
Pour l’ensemble des
exercices et là, je m’étends sur toutes les disciplines Européennes, il faut
une étude précise pour une sélection franche. Il est obligatoire de lire le
descriptif de l’exercice et de l’analyser selon le programme, puis le traduire
« le plus juste possible » afin de l’intégrer dans ta famille. Par
exemple : les termes « attaque lancée de face au bâton ou attaque
lancée de face au revolver avec garde au ferme », nous donnent
d’excellents renseignements, on peut définir selon une lecture précise ce que
l’on voit. Sur ce type d’exercice, il n’y a pas d’ambiguïté, tu peux tout
analyser de la bonne tenue de départ, à l’entrée, la prise, la combativité,
etc. jusqu’au retour au pieds. Certes, après on peut toujours revoir les
pénalités, mais l’efficacité du chien sur l’attaque n’est pas tronquée. Voilà
pourquoi en France et dans l’idée d’une simplification d’exercice avec plan
incliné, nous ne pourrons plus parler de franchissement de palissade. Nous
serons dans l’obligation de rectifier notre règlement, en stipulant :
aller simple de grimper de palissade. Nous n’aurons plus le droit d’employer le
terme saut de palissade puisque ça ne sera plus le cas. Hé oui, dans le cas
d’un plan incliné à 2m50, 2m40 ou 2m30, il ne faudra pas se mentir, nous
n’aurons pas évolué, mais régressé.
Il
faudrait réécrire une partie du règlement en définissant les exercices et les
pénalités ?
Alors, que ça change ou
non, il va falloir se pencher sérieusement sur le règlement pour le rendre
sélectif et c’est ensemble que nous devons travailler. C’est-à-dire nos dirigeants
SCC, les responsables GT et les clubs de race, car aujourd’hui, les amateurs de
travail se sentent continuellement attaqués et jamais épaulés. En 2018, il sera
nécessaire d’instaurer un dialogue entre les Utilisateurs et nos dirigeants. Il
est vital que nos dirigeants expliquent les choses de leur point de vue et
nous, à notre tour… nous devons entrer dans le débat en déterminant nos
objectifs, car à la vitesse où nous détruisons nos fondamentaux de sélection,
nous ne laisserons rien pour les futures générations. Comme je l’ai dit et
répété, nous avons de bons dirigeants. Il s’agit de cynophiles ne l’oublions
pas… il faut donc échanger nos idées en bonne intelligence et surtout, partager
nos connaissances. Ce n’est qu’à ce prix que nous améliorerons les cheptels,
nos consciences et notre cynophilie.
Propos retenus lors de
trois débats sur l’utilisation en décembre 2017 – janvier 2018.