mardi 5 mars 2019

Acte 6.


Le Ring n’est pas qu’un sport canin, donc ?
- Le Ring Français est aujourd’hui devenu un sport canin dans sa forme, mais à la base : il est un outil de sélection. Tu ne peux faire évoluer ta discipline, que si tu connais ses fondations. Dans le cas contraire, tu vas la pervertir pour satisfaire les masses ou tu vas la rabaisser ; comme c’est le cas aujourd’hui pour contenter quelques personnes qui visiblement n'y entendent pas grand chose… 

Et les professionnels ? 
- Ils sont comme les Amateurs, les purs & durs se font une raison, certains sont même très malheureux, mais tu sais... pour un dresseur qui gagne sa vie avec les compétitions, qu’il y’ait des changements directionnels dans les disciplines, ça ne change pas grand-chose à la fin du mois. Après, les gens diront que je vois ça de ma fenêtre et qu’à notre époque « l’argent » est le nerf de la guerre ? Sans doute, car il faut énormément d’argent pour espérer le haut niveau, ne serait-ce que pour mettre du gas-oil dans ton véhicule. Certes, il est bien fini le temps des petits Clubs qui sortaient un finaliste de temps en temps. 

Très rare en Compétition : Une Laekenoise ici Santana de la Sylbrillaume.

C’est là où je voulais en venir, d’un côté : il y’a l’internationalisation et de l’autre de moins en moins de pratiquants dans les petits clubs ?
- C’est la mondialisation camarade. Seul une poignée en profite… il suffit simplement de mettre contrainte sur contrainte aux pratiquants et les plus modestes arrêteront par obligation. Dans cette logique, il faut te raccrocher à l’idée que les nantis soient bons dans leur domaine, sinon l’élevage, puis le Ring basculera dans la médiocrité. Lorsque tu traces la courbe de l’âge d’or du Ring (c’est-à-dire de 1978 à 1995) tu notes chez nos pratiquants : des ouvriers, des docteurs, des commerçants, des chefs d’entreprises ou des agriculteurs, mais les gens « de revenu modeste » étaient les plus nombreux. Ceci était valable en France, mais également en Belgique ou en Hollande. Il faut bien comprendre que d’acheter un chien, le soigner, le nourrir, l’entrainer (donc aller au club et prendre sa cotisation), commander son carnet de travail et de se lancer dans les compétitions avaient un coût. Pour un pratiquant classique, c’était le maximum déboursable. Maintenant, tu rajoutes un CSAU, des licences, des examens niveau 1 & 2, des concours plus ou moins loin, une pénurie d’H-A « dont certains ont compris qu’il était intéressant de gagner des ronds avec leur passion » + une flambée des prix (l’essence par exemple) et bien dans un premier temps, fais le total, puis note combien ont arrêté pour cause financière. 

Lorsque tu dis : il faut te raccrocher à l’idée que les nantis soient bons dans leur domaine, ça fait peur quand même ?
- Tu sèmes du blé, tu récoltes du blé. Il ne faut pas faire l’étonner devant les chiffres, car quel pratiquant traditionnel ne compte pas à la fin du mois ? Exemple : combien coûte une tournée de sélectifs ? Et tu vois, je ne parle même pas d’un accident du style « une jaquette à poser » ou une petite blessure à soigner, je parle du coût de la tournée pure : entrainement, changement de terrain (pour les plus riches) hôtel, engagement ? OK, alors analysons la situation : tu as beaucoup de Ringueurs dont c’est le métier et tu as les passionnés qui s’entrainent monnayant leur résultat. Du coup, tu as combien de petites équipes de club qui s’entrainent sans compter ? Il y’en a, fort heureusement… mais de moins en moins. Je connais des potes qui font plus de 150 bornes à leur frais pour s’entrainer, ça va durer encore combien de temps ? Alors sans parler de la vie avec ton chien et en ne prenant que le côté pratique : un coup de flash par-là, un plein d’essence par-ci, la révision de ton véhicule ou les pneus à changer et ta vie de famille en plein milieu, prouve-moi que j’exagère ?

Extrêmement rare en Sélectifs Ring, un Dob Link de Schamdar

Un sport de riche pratiqué par des pauvres disait le philosophe ?
- C’est vrai et c’était tout à fait ça, il y’a 20 ans. Aujourd’hui c’est un sport de riche que pratique des riches et des classes sociales dites moyennes. Aujourd’hui si tu n’as pas d’argent, il faut être très intelligent et débrouillard « co-voiturage, partage & privation ». Remarque, j’ai toujours connu ça, mais force est de reconnaître que ça devient de plus en plus compliqué.

A chaque époque ses problèmes donc ?
- C’est trop simple et on ne peut pas envisager les choses sous cet angle, car c’est un problème de gestion. Si un dirigeant souhaite conserver la bonne santé d’une discipline et donc, par répercussion des cheptels, il ne peut pas constamment placer des contraintes ! Sinon ton pays va dégringoler et tu n’auras plus le prestige d’antan, tu vas me dire « nous en avons perdu une grosse part » et c’est vrai, du coup autant repartir sur une politique qui nous permettra de le reconquérir. N’oublions pas que chaque époque propose aussi des solutions.

Des solutions qui doivent être prochainement universelles ? 
- Je ne sais pas si le dialogue va devenir universel, mais en France, j’ai discuté récemment avec certains Ringueurs qui possèdent un égo surdimensionné… bon sang, ça m’a sidéré ! Ils sont absolument certains qu’il faut procéder comme ci et faire cela. Aucune lecture analytique de notre programme, aucune vérification généalogique et c’est d’ailleurs avec eux que j’ai eu le débat sur le Mondioring, ils n’avaient pas vu ça comme ça parait-il (rires…) ? Tu as toujours un décalage articulaire lorsque tu sors du Ring Français et c’est dommage, car les rencontres de Tournai que j’évoque dans l’article avaient vraiment rapprocher les peuples. 

Lipton du Bois de Saint Landelin en RCI. 

Ce n’est plus le cas ?
- En Mondio ou en RCI, les pratiquants s’intéressent à ce que font les autres, mais en Ring Français, il ne doit y’avoir qu’un petit noyau qui regarde ce qu’il se passe ailleurs. C’est triste, mais tu as même des gars qui analysent le Ring Belge sans même connaître les fédérations et que dis-je… sans même avoir foutu les pieds en Belgique et c’est mon Ring le meilleur, mes esquives, mon bâton et blablas… du calme avec tout ça et un peu d’humilité ne ferait pas de mal, croyez-moi, dans ma vie j’ai côtoyé des grands anciens et jamais je les ai entendu parler de la sorte. Alors qu’en France, ça y va avec des « mon dressage, mes techniques, mes mises en place, ma valise, etc. » bin mon vieux, c’est à croire que personne n’est né avant eux (rires) ?

Fort heureusement, ils ne sont qu’une minorité à parler comme ça ?
- Oui, mais c’est fatiguant. C’est pour ça que j’ai raconté l’histoire du chien qui rentre vite. Comme quoi, nous n’avons pas tous le même compteur… il faudrait placer un radar (éclat de rires) pour définir la vitesse réelle ? Alors plus sérieusement, je comprends que certain (e) s adulent leurs équipiers, mais il faut garder raison.

Il faut bien avouer que la vitesse, la fulgurance ou la percussion sont difficiles à différencier ?
- Pour un novice sans doute, mais pour un éleveur ou un dresseur… j’espère qu’il sait faire la différence. Déjà, tu as le Malinois « que je qualifierais de classique » qui va vite dans sa course, qui te vise et qui te crochète dans l’entrée, puis tu as celui qui va vite dans sa course et qui accélère encore plus à 5 mètres pour te catapulter. Ils sont différents dans leurs intentions, mais aussi dans leurs fonds. Imaginons que l’un ou l’autre t’intéresse et bien, tu te dois d’aller les analyser à l’entrainement pour définir si leurs attitudes sont innées ou très bien travaillées ? En clair, si tu souhaites élever, tu es dans l’obligation de savoir si, ce que tu vois en concours s’avère conforme à la nature du Malinois qui t’intéresse. Cela dit, en ce qui concerne « la vitesse » il est difficile de rendre rapide un lent, mais par un entrainement approprié… tu peux améliorer sa performance sur l’entrée.


En termes de vitesse, d’entrée ou de percussion. Il y’a des Malinois qui t’ont marqué ?
- Pour rester en France oui, il y’en a beaucoup : Voltaire aussi consciencieux que rapide, Ultra aussi rapide que technique, Rep également, H du Clos des Crocs Blancs un avion de chasse comme Elson d’ailleurs. Jérémy, Keebee ou Itusk des 2 Pottois, Boy de la Noaillerie, plusieurs Loups Mutins, Pont des Bergers ou Calvaire aux Acacias, Dusty du Clos de Savoie, Athos, sans oublier Drakkar du Cami de Cathéric et j’en oublie sans doute… 


Drakkar du Cami de Catheric en sélectifs. 

Drakkar revient souvent ?
- Il était époustouflant et beaucoup mentionnent la face d’Itusk sur Patrice à La Cipale qui certes était très puissante, mais Drakkar allait plus vite (rires…). Comme quoi, le père et le fils avaient cette aptitude en eux.

Je suppose que sur d’autres programmes, tu as vu de gros frappeurs ?
- Oui, j’en ai vu beaucoup et qui d’ailleurs transmettaient cette aptitude, puisque nous avons eu une descendance en France, mais le travail d’analyse est plus compliqué lorsqu’il n’y’a pas d’esquive. Il te faut un gros bagage cynophile et une approche directe de terrain ou alors diriger le Malinois sur un travail qui n’est pas le sien… c’est pour ça, que les rencontres inter-nations étaient importantes. A titre informatif, j’aime beaucoup converser avec les Militaires qui achètent des Malinois dans plusieurs programmes, ça apporte d’autres pistes de réflexions.

Si j’ai bien compris et en ce qui concerne le Berger Belge : tu souhaites que les nations désireuses de pratiquer notre Ring connaissent les bases d’élevages de notre discipline ?
- Pas seulement, j’aimerai que l’ensemble des Amateurs de Berger Belge (Utilisateurs ou non) maitrise un minimum leur sujet. Au moins les bases, d’où vient le Malinois, pourquoi est-il comme ça etc. que faut-il faire et ne pas faire ? Exemple : tu ne peux pas prendre un Malinois et l’enfermer toute une journée dans un appart, tu ne peux pas lui demander d’être gentil comme un bon toutou… le Malinois c’est le feu sur la braise, c’est un chien qui se mérite, ce n’est pas un chien que l’on achète !

Loubard "Little Big Dog" des Loups Mutins. 

Tu dois cauchemarder sur Facebook ?
- Lorsque tu vois des Malinois issus de fils et filles de grands champions vautrés dans des lits, tu te demandes où on va et qu’est-ce qu’à bien pu faire ce fabuleux athlète pour mériter ça ? Notre société par vraiment à la dérive… on va obliger des lignées de travail à franchir une palissade de 2m30 avec un plan incliné, alors que 1) faire cette proposition ; c’est ne rien connaître à la valeur d’un Berger Belge, 2) comment peut-on prétendre améliorer les cheptels, alors que nous régressons chaque année un peu plus ?

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