Le Champion du Monde : OSCAR de VULCAIN
Bonjour
Jean-Michel, ma première question est simple : comment définir un Malinois
de travail ?
Jean-Michel Vedrenne :
Bonjour. Effectivement c’est une bonne question, mais elle est aussi large que
complexe. Déjà en termes « de type ou de morphologie »… la cause en
est simple : sa diversité ! Mais, comme à la base le malinois est une variété
de berger belge, j'évoquerais plus le terme de « variété dans la variété ».
Alors, pour répondre plus précisément à cette question, il est évident que nous
trouvons une divergence morphologique mais également caractérielle selon sa
sélection. À cela s’ajoutent de nombreuses caractéristiques à étudier, comme
son étonnante faculté d'adaptation et son dynamisme. Voilà deux aptitudes
innées que toutes les races n'ont pas. Ensuite, il a été structuré par
d'intelligentes consanguinités, dont certaines sont même hyper-fixées, là
encore, toutes les races ne supportent pas un tel degré de fixation. Les
précurseurs ont réussi à modeler un champion qui était, et qui est toujours à
la hauteur de leurs principes, soit : un chien fort, puissant, réactif,
volontaire et possédant à la base « une santé de fer ». Le Malinois
détient à l’origine un panel de qualités et bien entendu, il a fallu les
orchestrer pour en faire le numéro 1 d’aujourd’hui, mais comme disait André
Noël : on ne peut échapper à la valeur !
Pourtant,
il reste des gens pas encore convaincus de la supériorité du Malinois ?
Des gens ou des
Cynos ? Parce que ce n’est pas la même chose (rires)… et de quelle
supériorité parlez-vous ?
Je
parle de sa supériorité dans le sens large du terme, alors que beaucoup
d’utilisateurs ne font que référence au travail. Je me trompe ?
Non, car le « Grand »
plus d’un « Grand » chien est d’être à l’aise partout, mais
personnellement je préfère rester à ma place et donc je me limite
volontairement au domaine utilitaire & sportif du Malinois. Premièrement,
est-ce que le Malinois est un bon chien de famille ? Sans doute, puisqu’il
est énormément apprécié, mais pour être honnête ce n’est pas l’une de mes
préoccupations, car n’importe quel chien équilibré sera un bon chien de
famille, si le Maître est évidement à la hauteur. Deuxièmement, si d’un regard
purement utilitaire « une personne Cynophile ou non » ne comprend pas
que toutes les grandes compétitions sont remportées par les Malinois, je ne
sais quoi trop lui répondre…
Le Malinois n'est pas un chien de famille, c'est un Aventurier !
Pourtant,
tu es d’accord ? Il existe bien des Cynophiles pas encore convaincus par
le Malinois ?
Sans doute, mais à quel
titre ? Dans ma vie, j’ai eu à travailler ou à analyser de nombreuses
races et je n’ai jamais été catégorique en proclamant que je n’étais pas
convaincu par le BA, le Beauceron ou le Rott. Je suppose, que dans toutes
sélections… tu te retrouves devant une lignée qui te convient ou pas, ce qui ne
veux pas dire que la totalité de la race est ainsi. J’ai vu de formidables BA, vraiment…
des chiens exceptionnels ! Cependant, il y’en a peu en Ring, alors qu’ils
étaient « jadis » populaires en France. Je n’ai pas la prétention d’expliquer
aux Fans de BA comment ils doivent travailler. Je n’en ai aucune idée, mais
pour rien au monde, je dénigrerai cette race et j’espère qu’il en est de même
chez les amateurs de BA, de Beauceron ou autre. En clair, si l’aigreur te rend aveugle
ou bête, c’est que tu t’es trompé de métier.
OK,
alors d’un point de vue purement utilitaire, comment expliquez-vous cette
suprématie ?
Le Malinois et je
devrais dire « le Berger Belge » possède : a) une force de
caractère hors norme, b) un physique aussi solide qu’harmonieux. De plus, nous
avons eu la chance que dès le départ, certains « phénomènes » sortent
du lot. Les anciens ont su rassembler toutes ses valeurs pour nous livrer de
magnifiques « courant de sang ». Un amateur (dans le sens noble du
terme) comprend immédiatement que les grandes lignées ont été savamment pensées
et aujourd'hui, la planète « utilisation » profite de tout ce travail réalisé
en amont. Il ne reste plus qu'à analyser les valeurs principales et autres performances
par le biais de plusieurs programmes de dressage.
Le Malinois en Campagne : Gary du Pré d'Enfer au sommet de la Gloire.
La
sélection doit-elle se faire exclusivement par le biais des disciplines ?
Absolument ! Par une ou
des disciplines car le choix devient un catalyseur. En clair, si celle-ci est
forte, sa sélection sera forte. Autant dire que les fondamentaux seront
déterminants et nous en avons la preuve en France avec le Ring. Pourtant, je me
rappelle qu'à une époque, certains détracteurs se targuaient de phrases toutes
faites, du genre : « Évidemment, notre Ring n’est élaboré que pour le malinois
! Nous verrons bien s'ils sont aussi forts en Campagne ? » Je ne vais pas
refaire l’historique du Ring, puisque si l’on analyse les programmes, on note que
c'est le Malinois qui a construit le Ring et non l'inverse. Enfin bref, pour le
Campagne… il semblerait qu’on ait vu !
Encore
une fois… comment expliquez-vous cela ?
Surtout par une
méconnaissance de l’historique. En clair, notre référence de sélection n’était
qu’instruite par la France, mais le Berger Belge n’est pas Français, il est
Belge et en Belgique à cette époque, il y’avait déjà de sacrées
compétitions ! En Hollande aussi d’ailleurs, lorsque des cynophiles se
sont intéressés à l’ensemble des compétitions Européennes, ils ont trouvé de nouveaux
sangs et le fait de les rapporter en France a tout changé. Alors pour faire
court, n'oublions pas que pendant l’époque dite de construction, la France ne
disposait pas d'une pluralité de combinaisons : les différentes « familles » de
Malinois se regroupaient principalement autour de deux étalons phares Flap et
Rusky. Or, si l’on prend à témoin les années 1970-1980, en Belgique, plusieurs
types de malinois étaient déjà en élaboration. À un point tel que l'amateur
éclairé qui ramenait un berger belge sur notre territoire apportait au cheptel
français un étalon potentiel. Seule la véracité généalogique pouvait rester
floue et, sur ce point, il fallait être vigilant. Mais si ce malinois
appartenait à une grande famille, nous avions aussitôt l'oiseau rare.
Premièrement, l'écart technique entre Ring Français et Ring Belge n'était pas
aussi important qu'aujourd'hui. En plus, la richesse d'une culture atavique ne
pouvait qu'influencer les performances et, pour peu qu'un éleveur ait su serrer
l'axe fondamental, en moins de deux ou trois générations, nous avions le Malinois idéal.
Et deuxièmement, il y a cette étonnante polyvalence héritée de son pays
d'origine : en Belgique, un Malinois doit travailler ! Cette notion est non
négociable et les diverses fédérations belges ont considérablement accentué les
qualités ancestrales du chien. En résumé, la base « courage-prise-détermination
» a rapidement été enrichie d’un autre triptyque : «
réceptivité-disponibilité-équilibre ».
Le Fameux GOUPIL de la Virginie
Connaissant
le caractère rebelle du malinois, d'où lui vient justement cet équilibre ?
D'une sélection
rigoureuse par le travail. D'ailleurs, le malinois contemporain français est
presque trop équilibré et cette notion d'hyper-équilibre cause bien des soucis
aux spécialistes. André Noël avait expliqué, il y a 20 ans déjà, que le
Malinois allait évoluer en parallèle des disciplines axées sur le mordant et
que l'équilibre découlerait de la stabilité de prise. Puis, que cette stabilité dans la
prise développerait une stabilité globale qui, associée à une intégration
sociétaire, deviendrait un tout. Pour faire simple, je vais prendre le Ring Français
comme exemple : si nous retournons dans le passé, on note : qu'il était
courant de rencontrer des Malinois stables, des nerveux et d'autres en
muselière aux abords des terrains. Cette mesure n'a plus cours et
je dirais même qu'elle choquerait aujourd'hui ! Il faut donc remettre le
Malinois dans son contexte. À l'époque, les appellations « chien de défense »,
« chien de police » ou « chien d’utilisation » étaient de mise. En plus, les éleveurs
ne passaient pas autant de temps avec leurs chiots, tandis que l'éleveur «
nouvelle génération » étudie ses portées, les manipule, joue avec et les
socialise. Ensuite, il y a l'éducation par le maître et, à 70 %, le chiot
investit une vie de famille et n'est plus en chenil avec un entraînement
Spartiate, etc... En cela, il n'est plus traité comme un chien d'utilisation,
mais comme un sportif à part entière.
Et
vous pensez que c’est un bien ?
Oui, si on ne franchit
pas la ligne, car nous avons besoin des deux. Si l’on veut conserver l'esprit
authentique de ce chien, nous devons avoir à la fois des rebelles et des
sportifs. Si tu élèves sympa sur sympa remis sur sympa, au bout d'un moment, tu
auras des chiens hyper-sympas mais vont-ils travailler ? Auront-ils conservé
leur âme ? Seront-ils fonctionnels dans nos administrations ? Malheureusement,
beaucoup de soit disant amateurs ne connaissent même pas un soupçon
d'historique ! Ils ne réalisent pas ce que les Xjellaba, Cuik, Cartouche, Yttro,
Cibo, Debber, Oscar, Snap, Varak ou Espoir ont apporté à la France. Ils savent juste
que l'entraînement au mordant stabilise et que de cette stabilité découle
l'équilibre. En plus, si l'on se réfère au Ring Français, il y a énormément de
dressage et le chien se voit maintenu sous un contrôle constant… Trop à mon
goût ! Car l'excès de dressage, comme l'excès d'équilibre – comme tout excès,
d’ailleurs, peut gravement nuire à l'esprit originel. En résumé, si on veut
conserver le Malinois comme il a été pensé et non comme nous voudrions qu'il
soit, nous devons parfois revoir notre philosophie.
L'Etalon G'Vitou des 2 Pottois dit VARAK.
Comme
quoi, par exemple ?
Soupeser l’ensemble des
exercices et les analyser avec des spécialistes de race et des pratiquants de
haut niveau. Le but de nos disciplines est de conserver ou d'améliorer nos
races, pas de les transformer ! Quand j’entends des discours comme quoi, il
faut mettre un plan incliné à la palissade pour éviter que le chien se fasse
mal, alors que la palissade est un exercice d’escalade et non un saut. De ce
fait, la montée est aussi importante que la descente, malgré cela on me
rétorque « oui mais quand même »… oui, mais quand même quoi ?
Prenez du temps et analysez une entrée de face ou de fuyante, croyez-moi c’est
plus Rock’N’Roll qu’une descente de palissade et que dire d’un choc sur une
arrêtée ou encore l’entraînement de certains parcours Militaire ? Ce à
quoi, je réponds, chers amis nos chiens sont sélectionnés « physiquement
& psychiquement », puis préparés à cela, ce n’est pas le commun des
toutous qui peut travailler en Ring, de
grâce n’oubliez pas un tel détail ! De même que : quand je note qu’un
chien perd plus de points sur un départ d’attaque (c’est-à-dire moins 15 pour un
départ soutenu) que s’il ne termine pas l’attaque ou encore quand je vois des
escortes (à la recherche) où l'HA fait n'importe quoi pour obtenir un coup de
dent, alors que les éleveurs ont énormément travaillé sur l'aspect réactif… ça
me consterne. Attention, je n'en veux pas aux HA car ils sont jeunes et la
plupart ignorent comment les anciens ou les cynos de ma génération ont procédé
pour obtenir un chien aussi performant et c'est à nous de leur expliquer qu'il
ne faut pas puiser dans l'excellence pour pénaliser un bon chien… mais qu’au
contraire, leur mission est surtout de révéler les carences.
Cette
remarque est intéressante, car tout le monde ne voit pas les choses comme
ça ?
La vie passe très vite
et aujourd’hui, nous avons un cheptel très puissant, mais attention : Si
les éleveurs n'ont plus les bons critères, ils ne pourront jamais sélectionner
avec précision. Les disciplines sont là pour indiquer « la
température », si nos Dresseurs & HA de concours sont formés dans un
esprit de sélection canine et que cette sélection canine découle d’un organisme
sportif, il n’y aura aucun problème. Je vais même aller plus loin dans mon
raisonnement, il faudrait instaurer une petite formation « théorique,
historique, pratique ou culturelle » dans la sélection d’Homme d’Attaque.
Mais attention, celle-ci n’aurait pas le but d’un travail avec des exercices,
des devoirs à faire, etc… il ne faut surtout pas transformer un vecteur
informatif en un truc chiant ou obligatoire, mais au contraire laisser cette
formation libre et ouverte à toutes & tous. Cette démarche aurait pour but
de rassembler, parler et construire ensemble.
C’est
une idée à soulever, je pense ?
Je ne sais pas… car
pendant les sélections d’H-A, il y autant de tension que de concentration et je
me dis qu’il ne faut peut-être rien rajouter à cela. En fait, c’est aux H-A qu’il
faudrait poser la question : est-ce que vous seriez d’accord pour qu’on
vous parle des différentes races, d’historique, de lignées et de sélections
canines pendant des heures ? (éclat de rires…) certes, ça se
discute !!! Honnêtement, j’ai un
doute (rires). Pourtant, souvent dans les concours, des jeunes sont intéressés
par tout le panel cynophile. De ce fait, il faudrait mettre en place une petite
instruction seulement à la base de leur sélection, après en ce qui concerne le
haut niveau, il va sans dire qu’ils maitrisent leur sujet…
L'Etalon Raceur : G'BIBBER.
Il
s’agit d’expliquer… comment dire ? Plutôt qu’une remise en question ?
Alors si l’explicatif
est vivement indiqué, la remise en question doit être perpétuelle. En clair,
pour anticiper l'avenir, il est nécessaire de maîtriser le passé. Qui sait ce
que G'Bibber a apporté en vigilance ? Les fans vont illico mentionner sa
prise qui, certes, était phénoménale mais il n'avait pas que ça ! Ce que les
descendants de Dick ont apporté en solidité ? Ce qu'a apporté la Belgique avec
ses fédérations ? Qui reconnaît l'obligation de diverses origines 100% Belges
dans les rouages de notre Ring ? En 2015, il n'y a qu'une poignée de maniaques
qui s'occupent de communiquer le savoir, alors qu'il y a 20 ou 30 ans, les «
mordus du mordant » se déplaçaient volontiers. Cette démarche a non seulement
été salutaire pour le Malinois mais aussi très saine dans les relations
Franco-Néerlando-Belges car le but n'était pas de comparer, mais de se cultiver
mutuellement. De nos rencontres est né un engouement spectaculaire qui a poussé
les passionnés à intégrer de nouveaux malinois dans leur courant de sang. À
cela, il faut remercier 2 élevages Belges : le Boscaille de M. Lebon et les 2
Pottois de M. Vansteenbrugge. On peut affirmer aujourd’hui que leurs étalons,
mixés aux grands élevages Français des années 1980-1990, ont propulsé le malinois
sur la plus haute marche.
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